5 moments féministes qui auront sauvé les César 2023

Publié le Lundi 27 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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5 moments féministes qui auront sauvé les César 2023
De la 48e cérémonie des César, on retiendra le sacre du polar féministe "La nuit du 12", notamment lauréat du prix du meilleur film et de la meilleure réalisation. Mais aussi d'autres séquences emblématiques pour les femmes.
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Ce qui restera l'un des premiers films français ouvertement post-#MeToo est ressorti grand gagnant de la soirée des César : La nuit du 12 de Dominik Moll : Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleure adaptation, Meilleur acteur dans un second rôle pour Bouli Lanners, Meilleur espoir masculin pour Bastien Bouillon, Meilleur son... Six César qui viennent sacrer un film critique et ambitieux sur les féminicides, l'impunité, la misogynie et la domination masculine. En un mot : un film féministe. Hourrah.

Et par-delà ce couronnement final, la 48e cérémonie des César ne fut pas exempte de moments marquants concernant l'égalité des sexes et la visibilité des femmes artistes. Les voici.

La "libération de l'écoute"

Tout aussi imposant que le sacre de La nuit du 12 : le discours de sa productrice Caroline Benjo, véritable sensibilisation à la cause féministe. "Dans le film, deux personnages partagent ce constat : il y a quelque chose qui cloche entre les femmes et les hommes. C'est un euphémisme. Le morbide décompte de la violence faite aux femmes tient en une phrase : un décès tous les trois jours, et dans les mauvaises années tous les deux jours. Seules les femmes savent dans leur chair ce qu'est la violence qu'on leur inflige".

"Mais pourtant quand Dominik Moll et son coscénariste Gilles Marchand sont venus nous voir avec l'envie de faire ce film, il nous est apparu évident qu'il y avait un manque. Que le regard des hommes était important. Qu'il fallait donner la parole à ces hommes-là. Et que les cinéastes devaient absolument s'emparer de ce récit. #MeToo a libéré la parole, mais qu'il s'agissait maintenant de libérer l'écoute".

"Or dans le film les hommes écoutent. Ils écoutent d'autres hommes débiter un flot de propos misogynes mais surtout ils écoutent des femmes qui leur tendent un miroir sans concession. Si le film nous bouleverse, c'est pour cela. Mais c'est aussi pour cela qu'il nous apaise profondément et que nous en avions tous et toutes très profondément besoin. Je dirais donc vive les femmes, et vive les hommes qui rejoignent leur combat. Parce que ce combat nous devons le mener ensemble", a achevé la productrice.

La messe est dite. Dominik Moll quant à lui a tenu à ajouter sur scène : "Je voulais avoir une pensée pour la vraie Clara, la vraie victime de l'affaire qui a donné lieu au film. Elle s'appelait Maud".

Virginie Efira salue "toutes les réalisatrices"

Enfin ! Virginie Efira a reçu le César de la meilleure actrice pour sa performance émouvante dans Revoir Paris d'Alice Winocour. Ce n'est pas trop tôt. Dans son discours, elle a relevé l'absence des femmes cinéastes de la catégorie Meilleure réalisation de cette édition. Et a cligné de l'oeil à des réalisatrices qui lui sont chères comme Rebecca Zlotowski (Les enfants des autres) et Justine Triet (Victoria, Sibyl). Formidable.

"Ce César est pour Alice Winocour. Où es-tu, Alice, où sont les réalisatrices ?... Merci pour ce personnage, pour ce film juste, beau, consolateur, cathartique. Merci aux productrices. Je vais étendre ce César aux autres réalisatrices, à Rebecca Zlotowski, et merci Justine Triet avec qui tout a commencé". La classe. Et une manière d'épingler un vide que se sont exercées à combler des initiatives féministes comme le prix Alice Guy et les Cléopâtre.

La voix d'Alice Diop

Alice Diop a remporté le César du meilleur premier film pour son très remarqué Saint-Omer. La cinéaste a tout d'abord ironisé : "Vous n'allez quand même pas osé couper une femme noire !". Une référence aux soixante secondes riquiqui laissées à chaque lauréat.

Cérémonie pas exempte de censure concernant ces choix de montage d'ailleurs. La cérémonie a effectivement été brièvement interrompue par l'irruption sur la scène d'une militante écologiste, portant un tee-shirt "We have 761 days left" ("Il nous reste 761 jours"), slogan alarmant se référant au dernier rapport du Giec... Une intervention qui fut tout simplement... Coupée lors de sa diffusion sur la quatrième chaîne.

Suite à ce bon mot, la réalisatrice a dressé un éloge des femmes cinéastes : "Je voulais juste dire que je suis fière d'appartenir à une nouvelle génération de cinéastes françaises. Cette année j'ai vu des films extraordinaires qui m'ont fait réfléchir aux possibilités du cinéma".

"Et je voudrais citer ici des films qui m'ont complètement inspirée : des films de Claire Denis, le film de Rebecca Zlotowski, le film de Mia Hansen-Love, le film d'Alice Winocour, le film de Céline Devaux, de Blandine Lenoir... Merci. On ne sera ni de passage, ni un effet de mode. On est appelées à se renouveler année après année, à s'agrandir. Merci à vous les filles. Merci d'être là", a achevé la réalisatrice.

Le discours de Noémie Merlant sur les "absentes"

Noémie Merlant est la lauréate du César de la meilleure actrice dans un second rôle pour L'innocent, où elle déploie un inattendu talent comique. L'actrice a délivré elle aussi un beau discours, déplorant l'absence des femmes cinéastes, déclarant notamment : "Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour toi Céline (Sciamma). Je pense à toutes les réalisatrices qui auraient dû être célébrées ce soir. Elles me manquent".

A noter que sa partenaire du Portrait de la jeune fille en feu, Adèle Haenel, a été citée dans cette cérémonie, en dépit de son absence dans la salle. L'actrice est effectivement la narratrice de Retour à Reims, sacré par le prix du Meilleur documentaire. L'occasion pour la productrice Marie-Ange Luciani de l'évoquer avec émotion lors de son discours - évocation saluée par des applaudissements dans le public.

Le "enfin" de la compositrice Irène Drésel

Le César de la Meilleure musique originale a été remis à Irène Drésel pour son travail électrisant sur A plein temps, autre grand film féministe par ailleurs - qui a également remporté la statuette du meilleur montage, statuette remise à la monteuse Mathilde Van de Moortel. Ce faisant, la jeune femme est devenue la première femme à obtenir une telle distinction depuis la création des César, il y a 48 ans.

C'est d'ailleurs ce qu'elle a rappelé dans son discours : "Ca fait 48 ans que les César existent, depuis ces longues années cinq femmes ont été nommées dans cette catégorie mais aucune d'entre elles n'a été récompensée, alors je dédie ce César à toutes les femmes compositrices de musique, et merci !". Un grand bravo.