"Je m'imaginais être insulté" : Eddy de Pretto évoque ses craintes avant la sortie de "Kid"

Publié le Mercredi 30 Mars 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Eddy de Pretto lors de la Fashion Week de Paris, janvier 2022.
Eddy de Pretto lors de la Fashion Week de Paris, janvier 2022.
Intervenu dans "Le doc Stupéfiant", émission diffusée sur France 5 le 28 mars, Eddy de Pretto est revenu sur ses peurs avant le lancement de son tube "Kid", qui aborde les injonctions à la virilité.
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"Tu seras viril mon kid, je n'veux voir aucune larme glisser/Sur cette gueule héroïque et ce corps tout sculpté". Dans Kid, Eddy de Pretto critiquent la masculinité toxique et le virilisme qui gangrènent et perdurent dans notre société. Une mélodie entêtante, des paroles percutantes et un succès musical à tous les niveaux, qui ont propulsé l'artiste au rang d'incontournable du rap français.

Oui mais voilà, avant que le morceau ne soit connu de tou·tes et largement applaudi, c'est la craine de son accueil et d'un hypothétique harcèlement, qu'éprouvait l'inteprète-compositeur. Devant la caméra de Julie Delettre et Caroline Halazy, réalisatrices du numéro Le doc Stupéfiant intitulé L'homo invisible, diffusé sur France 5 lundi 28 mars, il confie l'appréhension ressentie en amont de la sortie du single, en 2018.

"Quand tu grandis et que tu te dis : 'Mais en fait, personne ne parle de mon histoire, personne ne parle de ce que je suis, de comment je suis représenté aujourd'hui...' Et bah tu te dis qu'il faut absolument le faire'", explique Eddy de Pretto. Une certitude qui ne l'a pas empêché de faire "des cauchemars" quelques jours avant. "Je m'imaginais être insulté dans tous les sens parce que j'avais sorti un truc sur la dévirilisation des hommes", sur "l'homosexualité et tout ce que ça peut potentiellement représenter". Et d'ajouter : "j'ai eu peur de recevoir des cailloux".

Un témoignage qui en dit long sur l'homophobie en France, et les stéréotypes de genre qui continuent d'y être d'une part véhiculés, mais aussi érigés en modèle.

3 000 messages de haine

Si l'artiste n'est pas victime d'un vent de rage à ce moment-là précisément, il deviendra bel et bien la cible d'une vague de de cyberharcèlement quelque temps plus tard, en juin 2021, à la suite d'une performance au sein de l'Eglise Saint-Eustache de Paris. Il y interprétait son titre A quoi bon, dans lequel il aborde sa difficulté à concilier son homosexualité et la religion catholique.

"Je crois que je n'suis pas prêt pour obéir à ta Bible, Je sais ce qui te plaît, je crois que je n'ai pas lu les bons livres/Mais tu me diras nan, c'est trop, tu n'es pas assez sain/Pour venir dans tes rangs, il faut n'avoir fait presque rien", chante-t-il devant une foule convaincue. Sur les réseaux sociaux en revanche, où il publie une vidéo de sa prestation, le ton change radicalement.

3 000 messages d'insultes et de menaces de morts sont proférés, contre lesquels il portera plainte. "Je [chanterai] mes mots dans tous les lieux qui m'accueillent pour le faire. Ces homophobes, royalistes, anarchistes d'extrême-droite ne gagneront jamais. L'amour gagne toujours", écrivait-il en réponse à la haine sur son compte Instagram. Les 8, 9 et 10 mars 2022, 17 personnes âgées de 20 à 26 ans, dont certaines catholiques conservatrices, ont été interpellées dans cette affaire.