Ces 7 mannequins révolutionnent le monde de la mode

Publié le Vendredi 14 Août 2020
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Jari Jones, nouvelle icône fashion.
Jari Jones, nouvelle icône fashion.
En 2020, la mode se veut plus inclusive. Personnalités non-binaires, transgenres, militantes, en situation de handicap, investissent un monde trop monochrome. Panorama d'une scène fashion qui bouge.
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Malgré les révolutions féministes et anti-racisme qui ont bousculé la dernière décennie, le monde de la mode peine encore à briller par sa diversité et son engagement. Pire, il ne cesse de susciter les anecdotes et témoignages les plus critiques. Récemment, la mannequin canadienne Grace Mahary dénonçait le racisme qu'elle avait pu subir en foulant du pied les podiums. Des discriminations systématiques. On le comprend, l'industrie entière se voit contrainte à une introspection qui ne passe toujours pas.

Et pourtant, les visages différents ne manquent pas au sein de la sphère fashion. Bien que minoritaires, ces voix sans concessions aiment à bousculer les piliers d'un vieux monde pour l'imaginer meilleur : sans grossophobie ni racisme, biais hétéronormés et rapports de pouvoir patriarcaux, stéréotypes de genre et autres clichés sexistes. Un monde parfait ? En attendant cet idéal, les mannequins d'aujourd'hui provoquent flashes et débats. En voici sept qu'il vous faut à tout prix suivre cette année. A vos carnets.

Jari Jones, éclatante égérie Calvin Klein

Actrice, autrice, mannequin, activiste... La voix de Jari Jones est celle d'une génération, éveillée et créative. Ses derniers photoshoot pop à souhait pour Calvin Klein ont remué la Toile, et il y a de quoi. Face aux objectifs, la jeune femme transgenre irradie. Quand elle ne prend pas la pose, elle milite en faveur du mouvement Black Lives Matter, du respect des personnes trans et de la culture queer, ou encore des initiatives body positive. Ravie de réécrire une histoire un peu trop riche en diktats, elle dit se battre au nom "des queer, trans, handicapé·es, gros·ses, Noir·es magnifiques, qui [attendent leur] moment pour briller". Shine bright like a diamond, donc.

Ellie Goldstein, visage révolutionnaire de Gucci

Ellie Goldstein est une jeune femme britannique. Elle n'a que dix-huit ans et est atteinte de trisomie 21. C'est dire si la voir flamboyer dans les pages du magazine de mode Vogue Italia a chamboulé bien des esprits étroits. En devenant l'un des nouveaux visages de la marque Gucci, cette passionnée de théâtre et de danse ne s'est pas contentée d'investir à grands pas la scène fashion contemporaine : elle lui a décoché un appel pour plus de diversité. Selon l'agence londonienne de mannequinat Zebedee Management, la mise en lumière de cette "merveilleuse personne, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur" ne pourra qu'encourager les grandes marques "à prendre l'exemple, pour que l'inclusion de mannequins handicapés devienne désormais la norme". On le souhaite ardemment.

Valentina Sampaio, un nom historique

Le nom de Valentina Sampaio est tout aussi historique. L'an dernier, la jeune brésilienne de 23 ans affolait les flashes en devenant la première mannequin transgenre embauchée par la maison Victoria's Secret. Normal. Sampaio ne démontre pas simplement à son demi-million de followers que, oui, "c'est possible", elle incite également à libérer la parole malgré la persistance d'une transphobie malheureusement trop ordinaire. Qu'elle évoque son coming-out (précoce, dès l'âge de dix ans) ou soit immortalisée "beauté transgenre" par Vogue Paris, cette ancienne ambassadrice de L'Oréal dénote et épouse les pas de toutes ces jeunes actrices de la mode qui, de Hunter Schafer à Indya Moore, militent pour les droits des personnes LGBTQ au sein de l'industrie.

Oslo Grace, pas son genre

"Théoriquement, chacun naît fille, garçon ou intersexué. Dans certains pays, on commence à parler de la reconnaissance d'un sexe neutre à l'état civil. Pour ma part, je demande aux gens d'ouvrir les yeux et de reconnaître que tous les hommes ne sont pas des archétypes de masculinité. Et que toutes les femmes ne sont pas des archétypes de féminité. Oui, on peut naître femme, comme moi, homme, comme d'autres, mais s'identifier à un autre sexe que le sien. Ça ne se borne pas à la biologie".

L'engagement d'Osla Grace est limpide : personne ne le définit mieux que lui. Dans les pages du magazine de mode L'officiel, le jeune californien de 22 ans rappelle que sa non-binarité n'est pas antinomique avec le monde des défilés, et que les images dites "de féminité" ou "de masculinité" ne demandent qu'à être déconstruites. C'est ce que s'obstine à faire ce mannequin "neutral" bien connu des aficionados de Kenzo et Gucci. Pour la revue Vogue, il est "l'éclat unisexe", de ceux qui incarnent le changement.

Imene Boudj, femme d'exception

Cocorico : Imene Boudj est française. Toulousaine, pour être plus précis. Mais surtout, Imene Boudj est une femme d'exception dans l'univers cintré du mannequinat. A 32 ans, elle est la première mannequin en fauteuil roulant de l'Hexagone. Paraplégique depuis ses huit ans, la trentenaire a rabattu le clapet de bien des esprits chagrins en arpentant la Fashion Week de Milan. Elle raconte : "Il n'est pas du tout simple d'évoluer dans le mannequinat avec un handicap, et encore moins en France. Tout reste très compliqué, le contact, le suivi et surtout l'attention. On commence petit à petit à avancer mais le chemin est encore long".

Ce chemin, elle l'emprunte désormais avec fierté et sans tenir compte des qu'en-dira-t-on, au nom de toutes celles qui ont pu subir - et subissent encore - des discriminations, des "femmes noires de peau" aux "mannequins grandes tailles", précise-t-elle au site By Toulouse. "On voit un peu plus ses femmes sur les podiums mais malheureusement il est toujours aussi rare de voir des femmes en fauteuils défiler ou sur des affiches publicitaires", déplore-t-elle encore. Une parole alerte dont l'on attend impatiemment les prochains éclats.

Nyome Nicholas-Williams, militante sensationnelle

Influenceuse, mannequin grande taille, ou plutôt "mannequin avec de l'influence" comme l'énonce son compte Instagram, Nyome Nicholas-Williams met aussi bien à mal l'hypocrisie de la scène fashion que celle des réseaux sociaux. Récemment, on l'a vu s'indigner contre la censure de l'un de ses magnifiques portraits : les yeux fermés, apaisée, elle apparaît à moitié dénudée, les bras posés sur la poitrine. Un contenu "offensant" selon Instagram. Cette suppression a tant scandalisé qu'elle a provoqué le lancement d'un hashtag : #IWantToSeeNyome. Je veux voir Nyome.

Difficile de la louper : l'on remarque forcément Nyome Nicholas-Williams par son charisme, son audace, et par ce qu'elle défend d'une publication (virale) à l'autre. Quand elle n'écrit pas carrément des tribunes. Dans les pages du prestigieux Harpers Bazaar, la militante anti-grossophobie et anti-racisme tacle ainsi celles et ceux (les grandes marques, par exemple) qui, au lendemain de la mort de George Floyd, se sont réappropriés le combat activiste Black Lives Matter pour en faire leur beurre. Le fameux syndrome du carré noir...

"A tous les Blancs qui profitent continuellement de la culture noire, mais qui restent silencieux lorsque nous sommes ciblés dans notre vie quotidienne, vous êtes une grande partie du problème. Ce ne devrait pas être aux Noirs de dénoncer des actions racistes ou nuisibles. Après tout, ce n'est pas nous qui avons participé à la construction du racisme systémique", tacle-t-elle avec éloquence. Un discours sans filtre.

Mariam Abdalla, beauté unique

La mannequin Mariam Abdalla ne détonne pas simplement par les clichés qui émaillent son mur Instagram, fragments d'esthétique stylée et classieuse abondamment likée. Non, elle suscite aussi l'admiration par sa façon de revendiquer le pouvoir émancipateur d'une profession encore mal vue dans son pays d'origine - l'Egypte.

Au site culturel Egyptian Streets, elle raconte avoir épousé cette voie parce qu'elle aime "se sentir différente", et ce malgré le désaccord de ses parents. A l'écouter, il y a une forme d'expression libre dans le modeling : le fait de "créer un personnage afin de susciter différentes émotions et réactions, comme un jeu d'acteur". Pour elle, la mode n'impose pas qu'une vision de la beauté, mais un désir "de trouver ce qui est unique en chaque personne". Et si la parole de Mariam Abdalla pouvait inspirer une vision plus féministe du mannequinat en Egypte, pays peu connu pour son respect des femmes et de leurs droits ? Ses interlocutrices le présument déjà.