J'ai testé pour vous : quelques-uns des "120 jeux érotiques interdits (ou presque)"

Publié le Lundi 21 Décembre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
J'ai testé pour vous : quelques-uns des "120 jeux érotiques interdits (ou presque)"
J'ai testé pour vous : quelques-uns des "120 jeux érotiques interdits (ou presque)"
Pour tenter de raviver une flamme un peu affaiblie par les confinements et l'arrivée de l'hiver, j'ai feuilleté l'ouvrage "120 jeux érotiques interdits (ou presque)" de Marc Dannam. Et j'en ai tiré quelques (nouveaux) automatismes.
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Aujourd'hui lundi 21 décembre, c'est la Journée mondiale de l'orgasme. 24 heures dédiées à l'apothéose du plaisir et aux moyens d'y arriver - une fois, voire plusieurs d'affilée. 24 heures qui permettent aussi d'aborder une réalité nettement moins réjouissante, et c'est le cas de le dire : 2020 serait l'année où les femmes ont le moins joui. C'est en tout cas ce qu'affirment 81 % des 12 500 répondantes à une étude menée par le site de rencontres extra-conjugales Gleeden, contre 33 % chez les 11 200 répondants.

Cette différence flagrante, elle est notamment liée à un déséquilibre au sein de la gestion du foyer. Pour près de la moitié d'entre elles, la charge mentale supplémentaire de devoir s'occuper des tâches ménagères mais également des enfants pendant les confinements, a impacté négativement leur capacité à atteindre l'orgasme, analyse Gleeden. Et puis, il y a le manque d'envie. Une libido en berne qui mène à raréfier les ébats, mais aussi entraîne une baisse de la masturbation conséquente. L'époque est morose, anxiogène et notre vie sexuelle en pâtit.

"120 jeux érotiques interdits (ou presque)", de Marc Dannam.
"120 jeux érotiques interdits (ou presque)", de Marc Dannam.

Un constat général qui me parle, clairement. Alors pour tenter de remettre mon désir sur des rails qui me conviennent davantage, j'ai ouvert l'ouvrage de Marc Dannam. Un manuel qui propose, comme son nom l'indique, 120 jeux érotiques interdits (ou presque), ou une façon ludique de se réapproprier à deux, et surtout si le coeur nous en dit, une sexualité qu'on a quelque peu délaissée. Tentative.

"Halte au gaspillage"

Sur la quatrième de couverture, le guide pratique annonce la couleur : "Adultes et consentants, sans violence ni humiliation, vous allez jouer avec tout ce qui vous passera par la tête ou sous la main, pourvu que ce soit un peu dérangeant ou d'ordinaire interdit". Intriguant. L'auteur énumère : "Il est interdit de gaspiller la nourriture ! Alors jouons avec les fruits et légumes, surtout s'ils ont des formes explicites. Il est interdit de proférer des injures publiques, abusons du 'dirty talk'. Interdit de faire du topless ? Libérons les seins ! Interdit d'usurper une identité, alors soyons un autre... Interdit de tricher aux examens ? Réinventons la salle de classe !"

Autant de défis qui attirent mon attention, et me poussent à feuilleter les pages du livre plus sérieusement. A l'intérieur, on découvre une nouvelle affirmation qui énonce quelque chose qui n'est pas tout à fait autorisé, voire carrément illégal. Par la loi ou la morale. "Camping sauvage", "interdit de stationner", "Tu ne mentiras point !", "Exhibition"... la liste est longue. Et si certains points ne nous emballent pas plus que ça mon partenaire et moi-même, d'autres font mouche. Typiquement, le tout premier : "Halte au gaspillage".

Non pas que l'on fantasme particulièrement de jeter un paquet de bouffe inutilisée à la poubelle (quoique l'idée de faire disparaître le gâteau au beurre de courgette douteux de ma pote vegan me tenterait bien), mais on a faim, et les règles décrites par la suite impliquent de lier l'utile à l'agréable. Soit de manger en faisant l'amour. Double bénéfice.

Clémentines bien placées

Comme demandé, on se prépare donc au "food-strip". Marc Dannam ne passe pas par quatre chemins, et écrit : "Vous êtes nus. Composez-vous un costume avec des fruits ou des légumes. Mais attention, la personne qui vous déshabillera devra les consommer jusqu'au dernier." On est nu·e·s, et prévenu·e·s.

Place à la création. Sauf que pas de bol, on a oublié de faire le plein avant de se lancer dans l'aventure. Et comme l'option "acheter des fraises pour un jeu sexuel" ne figure pas sur notre attestation de déplacement (ce reportage très sérieux s'effectue à l'aube du déconfinement), il va falloir faire avec les moyens du bord. C'est à dire quelques kiwis, des clémentines trop mûres et des bananes qui pour le coup, sont plus vertes que jaunes.

Qu'à cela ne tienne, on s'y met. A poil. Dans la cuisine. On se rend vite compte l'un comme l'autre qu'il vaut mieux être allongée que debout pour éviter que les quartiers de clémentine ne s'écrasent au sol, mais que le carrelage est froid. On se rapatrie donc dans la chambre avec nos victuailles et on la joue comme Samantha Jones dans le premier film-navet de Sex and the City. Comprendre que je m'installe à l'horizontale pendant que mon cher et tendre transforme mon corps en salade de fruits. Tranches de kiwi sur les seins, de bananes sur le nombril et chantilly (allégée en sucre pour éviter que ça colle) un peu partout ailleurs.

Le goûter est servi. Et une chose en entraînant une autre : le premier orgasme aussi.

"Usurpation d'identité"

Deuxième défi à nous convaincre : celui qui propose d'aborder l'usurpation d'identité. Après avoir cité l'article de loi qui énonce les peines encourues pour un tel délit (l'article 226-4-1 du Code pénal, précisément), l'auteur remet en contexte. "En matière de sexualité, les usurpations d'identité sont monnaie courante". Il donne alors les règles du jeu "cosplay", qui suggère d'emprunter les traits du personnage fictionnel de notre choix, et d'inventer un scénario inédit entre nos deux héros·ïne. Ensuite intervient un jeu de pouvoir BDSM certainement attrayant pour celles et ceux qui en sont friand·e·s, mais dont on s'éloigne assez librement.

Plutôt que Batman et Wonder Woman qui s'envoient en l'air dans la batmobile comme conseillé, on joue à se rencontrer pour la première fois. D'accord, on s'est dégonflé·e·s. Mais le simple fait de sortir de notre routine de couple nous a permis de se rappeler de sensations tout juste endormies. De se redécouvrir en un sens, et de se faire du bien de façon plus intense, plus douce, plus attentionnée. C'est jouissif.

Finalement, le bilan de cette expérience est exactement celui qu'on attendait : la possibilité de se laisser guider en dehors de sa zone de confort pour s'échapper un peu du quotidien, et se retrouver. On n'est pas sûr·e·s de recycler tous nos restes de la semaine sur nos corps, ni de se transformer en personnage de bédé chaque samedi soir sans exception, mais on s'est promis de toujours tenter de se surprendre. Et c'est amplement suffisant.

120 jeux érotiques interdits (ou presque), de Marc Dannam. Editions La Musardine, 17 euros. 208 p