Le nunchi : c'est quoi cette philosophie apaisante venue de Corée ?

Publié le Vendredi 04 Octobre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
C'est quoi le nunchi
C'est quoi le nunchi
Le nunchi, qu'est-ce que c'est ? Une méthode éducative, mais aussi un état d'esprit.
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Finies les méthodes d'éducations aussi vieillottes qu'une chemise mal repassée ou qu'un doudou qui a trop vécu. De plus en plus de voix s'élèvent pour promouvoir l'alternative tant rêvée à nos traditions occidentales (qui ont peut-être fait leur temps) : le nunchi. Loin d'être une tendance comme une autre, le nunchi, qui éclot de la sagesse de Confucius, est un enseignement qui perdure depuis cinq millénaires au sein de la société coréenne. Pour le journal Metro, il s'agit même d'une "leçon d'intelligence émotionnelle".

Et les parents coréens ne se privent pas de l'inculquer à leurs enfants. Mais c'est quoi au juste, le nunchi ? Glamour Magazine le décrit sans détour : c'est l'art de comprendre "ce que les autres pensent et ressentent" par l'observation accrue. Car "nunchi" peut se traduire par "la mesure du regard". Il s'agit ensuite de se servir de ses déductions pour favoriser "l'harmonie" avec autrui. Faire en sorte que tout aille pour le mieux, sans dialogue de sourds.

Cependant, loin d'être un don fantasque, le "nunchi" s'alimente puis se transmet. Les parents coréens éduquent ainsi leurs enfants dès que ceux-ci parviennent à prononcer leurs premiers mots. Il faut dire que cet "oeil" mesuré correspond à une qualité primordiale : le sens de l'observation. Mais pas que.

Le pouvoir du nunchi

Le "nunchi", une méthode d'éducation pas si bête.
Le "nunchi", une méthode d'éducation pas si bête.

Pas étonnant que le "nunchi" soit inculqué aux enfants. Ce qu'il exige, c'est une relation plus spontanée aux choses. En un mot ? Une mise en valeur de ce que l'on appelle "l'intuition", ce truc si enfantin. En s'en remettant au Pouvoir du Nunchi: le secret coréen du bonheur et du succès de Euny Hong, Glamour définit cette compréhension ultra-sensible de ce qui nous entoure comme une leçon au long cours, une "manière de "réévaluer en permanence ses hypothèses sur la base d'un nouveau mot, geste et expression que vous observez chez l'autre". Euny Hong la décrit encore comme "l'art subtil de jauger les pensées et les sentiments d'autrui afin de bâtir la confiance".

Vous l'aurez compris : il s'agit de privilégier l'autre sur soi, en lui prêtant une oreille et un regard attentifs. En s'efforçant (sans en avoir l'air) de mieux le comprendre, l'on évite dès lors le conflit facile.

Ce qui nécessite, vous en conviendrez, pas mal de concentration, de l'intérêt, et une forme d'empathie pour autrui, nécessaires pour lire entre les lignes. Il n'est pas si évident de recueillir des "données" sur ceux et celles qui vous parlent, leur humeur et intentions, sans avoir à échanger un seul mot. D'aucuns pourraient voir là l'atout caché des enfants introvertis. Des gamins taiseux qui, en vérité, parviennent à dégager du sens de ce qui les entoure sans s'alourdir de longs discours. Et qui, l'air de rien, fortifient ainsi leur confiance en eux et leur clairvoyance.

Aux rencontres et échanges cependant, il faut savoir répondre. Par le bon mot, le bon geste, la bonne réaction. En cela, le nunchi est une invitation à l'interaction, apaisée, compréhensive et limpide. L'idéal pour déterminer sa capacité d'attention. C'est certainement pour cela que les parents coréens "croient qu'il est aussi important d'enseigner le nunchi à leurs enfants que de leur apprendre à traverser la route en toute sécurité", comme le rappelle Glamour.

Avec un tel état esprit, il s'agit surtout de leur faire comprendre que la vie en société est faite de non-dits, d'émotions retenues, de silences qui en disent long. Qu'apprendre à parler ne suffit pas : le langage non-verbal existe, et il faut en tenir compte. Tout cela n'a rien d'abstrait. Bien souvent, un discours "implicite" est plus éloquent qu'une phrase décochée sans trop y croire.

Prendre la température d'une situation

Avoir le "nunchi" ou pas.
Avoir le "nunchi" ou pas.

Plus qu'une faculté d'apprentissage des choses, cette "mesure" est un art de vivre. On peut y voir une capacité d'émerveillement du quotidien, sans cesse renouvelée - et encore une fois très enfantine - puisque ceux et celles qui pratiquent le nunchi vont se focaliser sur l'atmosphère d'une pièce et la signification d'un regard, en délaissant toutes leurs certitudes et leurs préjugés. Mais cette contemplation "active" est également tout un concept de bien-être

Le "nunchi" peut aussi s'appliquer aux relations. "Ceux qui possèdent le meilleur nunchi peuvent comprendre les sentiments de leurs partenaires et amis à partir de leur langage corporel et utilisent ensuite des signaux inconscients pour leur faire comprendre", rappelle Metro.

On dit bien des choses sur cette acuité. Que cet "oeil" aiguisé percerait les autres à jour et révélerait les hypocrisies, en détectant les mauvaises intentions et les attitudes trompeuses. Mais aussi que, perspicacité à l'état pur, il vous aiderait à mieux choisir votre partenaire de vie, communiquer avec votre patron, dissiper votre anxiété et celle des autres. Car l'écoute possède un effet naturellement apaisant.

Euny Hong, elle aussi, n'en démord pas ! "Il y a une expression en français qui correspond exactement au nunchi : prendre la température d'une situation. C'est l'art de percevoir les pensées des autres. Tout le monde peut le faire. Si vous n'avez pas d'argent, vous n'êtes pas éduqué, vous êtes introverti, extraverti, tout le monde peut", décoche-t-elle avec conviction. Enfants comme adultes sont priés de suivre le mouvement.

 

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