L'artiste Lisa Miquet célèbre les poils féminins en les transformant en "ornements"

Publié le Mardi 13 Octobre 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
La série "Ornements" délivre un message aussi féministe qu'artistique.
La série "Ornements" délivre un message aussi féministe qu'artistique.
Connue pour ses séries de photos aussi inspirantes que militantes, l'artiste Lisa Miquet déploie ses "Ornements" sur son compte Instagram. A savoir, une ribambelle de clichés pour (enfin) briser le tabou de la pilosité chez les femmes. Réjouissant et surréaliste.
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"Quand on tape 'Poil' sur Google, les requêtes sur lesquelles on tombe sont toujours liées à l'épilation : faut-il s'épiler ? Ne pas s'épiler ? Est-ce mauvais pour le corps de s'épiler toute l'année ? Comment s'épiler ? Un simple mot semble poser de nombreuses interrogations et surtout faire peser des injonctions, principalement sur le corps des femmes". C'est de ce constat limpide énoncé par son autrice qu'est née la dernière série de photographies de l'artiste Lisa Miquet : "Ornements".

Un intitulé qui tend à faire des poils des femmes des oripeaux de luxe, des bijoux que l'on porte sur soi avec fierté. La fierté, c'est ce qui ressort justement des portraits en noir et blanc de la photographe, visibles sur son compte Instagram. Les poils (aux jambes, aux aisselles) ne disparaissent pas en mode retouches Photoshop, non, ils sont transfigurés : en arcs-en-ciel, en éclairs fulgurants, en gribouillages multicolores. Bref, en formes animées dont les exubérances chromatiques évoquent les peintures de Jean-Michel Basquiat.

L'idée de ce shooting décomplexé ? Vous l'avez deviné : déboulonner un tabou. "Les femmes sont des Homo sapiens comme les autres. Comme tous les primates, elles appartiennent à la classe des mammifères. Et qui dit mammifère dit forcément poils", explique Lisa Miquet.

Au poil

Plus question de cacher ces poils que les plus prudes ne sauraient voir. Ici, ils se font joyeuses esquisses, mais aussi broderies, serpentins, confiseries. D'où cette impression de festivité qui se dégage de ces photographies pourtant très intimistes. Un mix des tonalités qui convient à un tel sujet, que d'aucuns jugent anodin, et qui pourtant génère encore tant d'injonctions à la féminité et de remarques reloues.

"Les représentations de corps féminins poilus restent rares à la télé, au cinéma, dans le porno, dans les pubs. C'est à force de voir des corps inatteignables, que j'ai eu envie moi aussi envie de créer des images irréelles, totalement à l'opposé. Des corps avec des poils épais, longs aux implantations étranges. Ils dépassent des vêtements et semblent avoir leur propre vie", détaille encore l'artiste. Ou quand le surréalisme enlace le féminisme.

Le poil est donc loin d'être insignifiant surtout que, à l'instar du make-up, il a son histoire. "Dans Les sens du poil, l'anthropologue Christian Bromberger explique : 'Au tout début du XXème siècle en Europe, seules les actrices et les danseuses s'épilaient, pas les dames de la bonne société. L'absence de poils aux aisselles étaient considérée comme obscène, car assimilée aux femmes de petite vertu'", nous rappelle la photographe. Une obscénité qui persiste sous la forme d'une aseptisation à la fois inconsciente et forcée. Une norme très "vieux monde".

"Et sinon, on pourrait arrêter de juger le corps des femmes en permanence ?", s'interroge en retour l'instigatrice de ces "Ornements" arborés sans filtre, regard face à l'objectif et bras déployés - comme un signe de victoire. Pour Lisa Miquet, l'Histoire et la science nous prouvent "que nos standards de beautés sont totalement subjectifs". Raison de plus pour célébrer un autre regard, celui d'une artiste engagée préférant la révolution à l'épilation.