Les producteurs des "Amandiers" sortent du silence après l'affaire Bennacer

Publié le Lundi 28 Novembre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
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Les producteurs des "Amandiers" sortent du silence après l'affaire Bennacer
Mis en examen pour viols et "pour violences sur conjoint", l'acteur Sofiane Bennacer est à l'affiche du long-métrage "Les Amandiers". La productrice et le producteur du film se sont exprimés pour la première fois sur l'affaire, assurant avoir seulement eu vent de "rumeurs" avant le tournage.
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Lorsque Sofiane Bennacer a commencé à tourner le film Les Amandiers, réalisé par Valéria Bruni-Tedeschi, sa compagne, il faisait déjà l'objet d'une plainte pour viol, déposée en février 2021. Certains membres de l'équipe du film auraient eu vent d'accusations de violences physiques et sexuelles dès les auditions, comme le rapporte Libération dans une longue enquête publiée le 25 novembre. Plusieurs personnes ayant travaillé sur le long-métrage ont d'ailleurs dénoncé une "omerta" sur le plateau et la "protection" de Sofiane Bennacer par la production et Valéria Bruni-Tedeschi.

Sofiane Bennacer, 25 ans, qui clame son innocence, fait l'objet de trois mises en examen. Deux pour des faits de viols sur deux ex-compagnes, ainsi qu'une troisième "violences sur conjoint". Dans le cadre d'une quatrième plainte déposée par une autre ex-compagne qui dénonçait des faits de viol, l'acteur a été placé sous le statut de témoin assisté.

La production des Amandiers a assuré dans un communiqué publié le 25 novembre qu'elle ignorait qu'une plainte pour viol avait été déposée avant de recruter Sofiane Bennacer. "À aucun moment, la production ne savait avant de l'engager, et à aucun moment, la production n'a orchestré la moindre omerta pour faire en sorte que rien ne sorte de cette histoire", a déclaré Patrick Sobelman (Agat Films), l'un des deux producteurs, sur France Inter. "Il était absolument impossible d'arrêter le tournage et de virer Sofiane pour une raison très simple. Nous n'avions aucune base juridique pour faire ça", a-t-il poursuivi.

"Nous avons obéi aux règles que nous impose le CNC de nommer des référents pour toutes les questions qui ont trait au harcèlement en général. On était sur le plateau tous les jours. Il ne s'est rien passé de répréhensible pendant tout le tournage du film", a ajouté Patrick Sobelman.

"Il peut y avoir eu une ambiance compliquée pour certains parce qu'ils se retrouvaient dans une situation qu'ils n'avaient pas voulue et ça jetait comme ça un doute, une ombre et depuis, nous avons appris sa mise en examen, il y a un mois, qu'il y a eu quatre plaintes différentes, ce n'est pas la même chose, nous ne savions pas et nous l'avons appris en même temps que tout le monde", s'est défendu le producteur.

Alexandra Henochsberg (Ad Vitam), coproductrice et distributrice du film Les Amandiers, a également réagi pour Télérama, en confirmant les propos de Patrick Sobelman. Elle a précisé cependant avoir été mise au courant au sujet des bruits qui couraient sur Sofiane Bennacer.

"Au moment du casting, nous avons eu en effet connaissance d'une rumeur concernant le comportement violent qu'aurait eu Sofiane envers une jeune comédienne deux ans avant d'avoir intégré le Théâtre national de Strasbourg. Patrick Sobelman a alors contacté le directeur de l'école, Stanislas Nordey, qui a confirmé avoir convoqué Sofiane suite à ces accusations, et lui avoir conseillé de quitter l'établissement", a déclaré Alexandra Henochsberg. La productrice a expliqué cependant qu'"à aucun moment Stanislas [Nordey] [n'a] parlé de plainte pour viol - alors qu'elle existait déjà - ni d'un signalement auprès du procureur de la république".

"Je suis heureuse que l'Académie des César ait réagi"

Dans un article du Monde, le directeur du Théâtre national de Strasbourg reconnaît avoir omis volontairement de mentionner la plainte. "Je savais qu'une plainte avait été déposée, mais la jeune actrice m'avait demandé de ne pas le dire. J'ai donc respecté son choix. Par ailleurs, Agat Films aurait pu interroger directement la jeune actrice, car celle-ci avait été auditionnée pour Les Amandiers", a raconté Stanislas Nordey.

"Que Stanislas ne nous ait rien dit, c'est son droit, je ne vais pas l'attaquer là-dessus. Mais la conséquence, c'est qu'on s'en prend plein la figure aujourd'hui", s'est désolée Alexandra Henochsberg.

L'Académie des César, qui avait sélectionné Sofiane Bennacer parmi les pré-nommés des Révélations masculines, a indiqué dans un communiqué de presse avoir retiré l'acteur de sa liste le 23 novembre suite aux révélations du Parisien indiquant que l'acteur était mis en examen.

"Je suis heureuse que l'Académie des César ait réagi dès qu'elle a su que Sofiane était poursuivi, dès les révélations du Parisien. Son nom a été immédiatement retiré de la liste, et l'Académie réfléchit à un changement de son règlement... Je trouve positif qu'au moins, ce type d'affaires puisse permettre de faire changer les choses. Ce qui s'est passé avec l'affaire Polanski, sous l'ancienne direction, semble ne plus pouvoir se reproduire aujourd'hui, et je trouve ça très bien que l'institution évolue", a également affirmé Alexandra Henochsberg.

De son côté, la réalisatrice Valéria Bruni-Tedeschi a dénoncé un "lynchage médiatique" après la parution de l'enquête de Libération. "À ce jour, tout le monde sait qu'il n'a pas été jugé, et un tel procédé relève, selon moi, d'un pur lynchage médiatique, procédé très éloigné d'une volonté d'informer de façon objective et impartiale", a-t-elle écrit dans un communiqué.