Early risers : faut-il se lever (hyper) tôt pour réussir sa vie ?

Publié le Mercredi 07 Octobre 2015
Adèle Bréau
Par Adèle Bréau Ex-directrice de Terrafemina
Ex-directrice de Terrafemina, je suis aussi auteure chez J.-C. Lattès, twitta frénétique, télévore, bouquinophile et mère happy mais souvent en galère.
Les early risers endorment leurs concurrents
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La plupart des grands de ce monde ont un point commun : ils se lèvent aux aurores. Hasard ? Coïncidence ? Toujours est-il que leur exemple est désormais suivi par nombre d'adeptes du lever très tôt, désireux eux aussi d'accroître leur productivité, leur énergie, leur bonheur, et de "réussir leur vie". Plongée dans la vie secrète des early risers.
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Avez-vous déjà pensé à vous lever à 4 heures du matin voire, à l'instar de Tim Cook (PDG d'Apple), à 3h45 sans qu'un nourrisson vous y ait contraint ? Pourtant, c'est ce que font un nombre chaque jour grandissant de ces adeptes du "early rising way of life", à savoir ceux qui, comme le déclarait Benjamin Franklin (lever 5h), se revendiquent de la devise "early to bed and early to rise makes a man healthy, wealthy and wise" (couché tôt, levé tôt fait un homme sain, riche et sage). Car si celui qui a cherché le temps perdu s'est longtemps "levé de bonne heure", c'est ainsi peut-être parce que, études à l'appui, cette habitude rend indéniablement ses adeptes plus productifs, successfull, voire heureux.

En effet, selon l'Université de Toronto, en calquant son rythme sur celui du soleil, on offrirait à son corps un sommeil de meilleure qualité et, par extension, une meilleure forme physique, mais aussi mentale. En outre, lorsqu'on décide de s'octroyer de très bonne heure un moment à soi, alors que le reste du foyer est encore endormi, on accroît considérablement sa productivité durant ce temps où, seul, on peut abattre les montagnes qu'on ne pourrait gravir en présence d'enfants, conjoints, collègues, coups de fils, mails et autres sollicitations diverses et variées qui, au cours de la journée, viendront fatalement ralentir notre vitesse d'exécution. Quant au coucher, qu'on pourrait considérer comme propice à la même introspection, il est souvent pollué par tous les événements de la journée, et par la fatigue, qui rend alors l'exercice bien moins profitable.

You snooze, you lose

Vous pensez que ça n'est pas pour vous, que vous êtes "du soir", indécrottablement ? Pas si sûr. Car si nous avons tous une "dose" de sommeil minimum qui nous est propre, et sans laquelle nous ne pouvons fonctionner correctement, peut-être vous suffirait-il pour devenir "du matin" de vous coucher un peu plus tôt. Et de suivre quelques-unes des astuces que se partagent les disciples pour accomplir leur mission : dîner léger, peu (pas) boire d'alcool le soir, mettre votre réveil loin du lit, histoire de ne surtout pas le faire resonner ("you snooze, you lose", disent les habitués), se laver les dents tranquillement pour que la phase "NAN mais ça pique les yeux" passe plus onctueusement et, ensuite, s'imposer une routine.

Car qu'allez-vous donc faire de cette heure de rab', vous demandez-vous certainement ? L'optimiser. Car qu'est-ce qu'une heure sinon une succession de petites tranches de 5 à 10 minutes que vous pouvez passer à méditer (il existe une multitude d'applis avec des quick sessions qui changent la vie), avant de faire quelques exercices (idem pour les abdos, les fessiers ou le yoga), d'écrire sur une feuille vos objectifs, vos rêves de la nuit ou votre "to do" de la journée, lire un article que vous aurez sélectionné la veille, le tout étant de dédier chaque jour un moment à la personne que vous souhaitez devenir. Rassurez-vous, les jours 1 à 10 sont considérés comme "insupportables" et les 11 à 20 comme "inconfortables" avant que vous ne ressentiez enfin, au 21e jour, les bienfaits de votre nouvelle vie.

The miracle morning
The miracle morning

"Des journées bien plus productives et moins prises de tête"

Aux Etats-Unis, le livre The Miracle morning (publié en 2012), rapidement devenu best-seller, fait date dans l'histoire du early rising. Son auteur, Hal Elrod, est quant à lui devenu une star, et apparaît ponctuellement dans les gros shows télé, où l'on se félicite d'inviter l'auteur de, excusez du peu, "one of the most life changing books ever written" (l'un des meilleurs livres de changement de vie jamais écrit). Sur Instagram, les posts hasthagués #earlyriser se comptent par dizaines de milliers, qui montrent les disciples en pleine activité physique ou créative sub-matinale, leurs levers de soleil inspirationnels ou mantras hypermotivants. Wake up, guys !

En France aussi, on commence à prendre conscience des bienfaits de la méthode. Charlotte, co-fondatrice de She is morning , un "before work" 100% féminin bien de chez nous, nous le confirme : "Avec plusieurs copines, alors que nous avions toutes vécu à l'étranger, et adopté le rythme bien plus matinal de ces pays, nous avons eu un manque en rentrant en France. Là-bas, on fait plein de trucs avant d'aller au boulot, et du coup on a des journées bien plus productives et moins prises de tête." Parmi elles, deux mamans, dont une se lève même à 5h15 pour méditer et... préparer des petits plats avant le lever du jour pour "être tranquille" ensuite (sic). Pour embarquer avec elles les working girls hexagonales, les sept copines organisent depuis des ateliers où, de 6h30 à 9h, on fait du yoga, on petit-déjeune healthy et où on se fait coacher à l'heure où d'autres baillent bêtement sous la douche.

"De plus en plus de femmes qui viennent à nos mornings adoptent le rythme", constate Charlotte, qui considère que la France, à la traîne, ne fait que "rattraper son retard" en la matière. En effet, à Londres, où nombre de salariés rejoignent leurs familles à 17h30 après avoir démarré beaucoup plus tôt qu'en nos contrées, les fameux "before work" cartonnent. Le concept ? Puisque, le soir, on lève le pied sur une vie sociale trop harassante, on se rattrape donc aux aurores. Au pays de Kate Moss (laquelle semble n'avoir pas encore adhéré au mouvement), le matin est ainsi devenu pour certains le nouveau soir dans ces parties où smoothies et autres jus énergisants ont remplacé la Guiness, et où l'on se trémousse parmi des milliers de happy few qui, ensuite, rejoindront sagement les couloirs de l'open space ("Salut Bernard, la pêche ?"). L'histoire ne dit cependant pas si, en ces lieux de green débauche, les couples se forment avec la même ferveur qu'après minuit.

En revanche, ce qui est certain, c'est que le early rising, dans la lignée d'une méditation omniprésente, du healthy way of life ultra-tendance et de la croyance en un accomplissement personnel et professionnel né de sa capacité à discipliner son corps et son mental a de belles heures devant lui. Mais une question subsiste cependant. Car si, demain, tout le monde se lève tôt, alors, à qui appartiendra l'avenir ?