L'ancienne Première ministre Edith Cresson témoigne du sexisme hallucinant en politique

Publié le Lundi 17 Mai 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Edith Cresson épingle le sexisme systémique en politique.
Edith Cresson épingle le sexisme systémique en politique.
"Une femme est un objet pour eux". L'ancienne Première ministre (et unique femme nommée à ce titre en France) Edith Cresson a témoigné des caricatures sexistes et discriminations dont elle a été victime dans le cadre de sa fonction.
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"Matignonne", "Edith, l'atout charme de Mitterrand"... Elles pullulent, les Unes de journaux d'époque bien beaufs dédiées à Edith Cresson, la seule femme à avoir été nommée Première ministre en France - c'était en mai 1991, sous le mandat de François Mitterrand. L'espace d'une interview accordée à Brut, la femme politique est revenue sur les "toutes sortes de caricatures, d'images épouvantables" qui sont venues ponctuer cette expérience. Une certaine idée du sexisme ordinaire en politique.

Un sexisme qui s'est propagé des remarques de couloirs de la scène politique aux illustrations médiatiques - abondantes - durant cette année passée en tant que Première ministre. On pense notamment aux images de l'émission satirique Le Bébête Show, représentant la principale concernée "comme une panthère lascive se traînant aux pieds de Mitterrand", déplore à ce titre Edith Cresson. Allusions déplacées, imaginaire macho, mais aussi remarques constantes sur son attitude et sa tenue rythmaient cette importante nomination.

"Je ne sais pas comment il faut s'habiller ou se coiffer pour que ces gens-là ne critiquent pas" fustige l'ancienne cheffe du gouvernement, aujourd'hui âgée de 87 ans. Avant d'achever : "Une femme est un objet pour eux". Auprès d'Europe 1, Edith Cresson en rajoute une couche sur l'attitude déplacée des journalistes : "Ils se mettaient à genoux devant ma voiture pour filmer mes jambes. L'attitude de ces gens-là était inimaginable". Un constat qui semble toujours d'actualité.

"On m'a attaquée car j'étais une femme"

"Je n'ai eu le temps de rien faire avant qu'on m'attaque simplement parce que j'étais une femme", poursuit sur le même ton Edith Cresson, qui considère cette attitude discriminatoire comme "propre à la France", précisant que des personnalités de "leadeuses" comme Margaret Thatcher n'ont pas fait l'objet de mêmes remarques. "J'ai vu comment ça se passe ailleurs... Jamais il n'y a des choses de ce genre. Une femme a été Première ministre au Portugal sans que ça pose le moindre problème, et je n'ai jamais vu une attitude de ce type en Espagne", explique-t-elle à Europe1.

Remarques de journalistes, de collègues ou rivaux au sein du gouvernement, ou d'anonymes divers, type : "C'est une femme, mais pourquoi pas : elle peut être presque aussi bien qu'un homme". Ca fait rêver, non ?

Dans les commentaires de l'entretien, les observations affluent : "Entre 1991 et 2021, quelle évolution ?", "Je me souviens de cette époque, c'était violent et malheureusement ça n'a pas beaucoup changé !", "Si seulement ça n'était qu'en politique, et surtout du passé", "Rien n'a changé !", déplorent à l'unisson les internautes.

Si le sexisme médiatique semble moins "décomplexé", aucune femme n'a été nommée Première ministre en trente ans. Et nombreuses sont les femmes de pouvoir, les maires par exemple, à se voir traitées de tous les noms. "Le suffrage universel ne suffit pas pour conférer la légitimité à une femme. Fondamentalement, tout cela n'a pas changé. Quand une femme prend la parole, on entend encore des invectives, on entend des choses absolument ordurières", conclut Edith Cresson. Peu de chances que cela se révolutionne dans le "monde d'après".