"Un Afro-américain me menace" : une femme blanche ment à la police et crée la colère

Publié le Jeudi 28 Mai 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Un Afro-américain me menace" : elle ment à la police dans une scène raciste révoltante
"Un Afro-américain me menace" : elle ment à la police dans une scène raciste révoltante
Alors qu'il demande à une femme blanche d'attacher son chien, Christian Cooper, un homme noir, devient la cible d'un racisme terrible. Car au lieu de mettre en laisse son animal, elle appelle la police en simulant qu'un "Afro-américain la menace".
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La séquence est révoltante, et pourtant tristement fréquente. Lundi 25 mai, dans une partie de Central Park, à New York, où les chiens doivent être impérativement promenés en laisse, notamment à cause de la nature et des animaux sauvages qui s'y trouvent, une jeune femme marche sans tenir le sien. Christian Cooper, un ornithologue amateur qui se balade dans le coin, lui demande de le récupérer, pour la sûreté des oiseaux. Mais plutôt que d'attacher l'animal, elle hurle et menace l'homme noir d'appeler la police et de leur dire qu'un "Afro-américain la menace".

Le promeneur la filme, et reste calme derrière son téléphone, pendant que celle qui a été identifiée comme Amy Cooper (sans relation), s'exécute et compose le 911. Lorsqu'elle a quelqu'un au bout du fil, elle ment : "Un Afro-Américain me menace, moi et mon chien, envoyez des policiers immédiatement", crie-t-elle. Postée par la soeur de Christian Cooper, Melody, la vidéo a récolté plus de 43 millions de vues en quelques jours, et indigné les internautes.

"Du racisme pur et simple"

Pour le maire démocrate de New York, Bill de Blasio, "ce genre de haine n'a pas sa place dans notre ville". Il condamne : "c'est du racisme pur et simple". L'employeur d'Amy Cooper, la société de placements Franklin Templeton, a également affirmé qu'il ne tolérait "aucune forme de racisme" et annoncé qu'il mettait fin au contrat de la jeune femme, après l'avoir suspendue.

Auprès de CNN, cette dernière a confié vouloir "s'excuser publiquement devant tout le monde". "Je ne suis pas raciste", a-t-elle ajouté, déplorant que sa vie soit "en train d'être ruinée". "Je crois que j'ai juste eu peur. Ce n'est pas excusable, pas défendable". Pour une internaute, l'issue aurait pu être dramatique : "dieu sait ce qui aurait pu se passer si les policiers étaient arrivés", écrit-elle, en référence aux nombreux meurtres d'hommes noirs par des membres des forces de l'ordre.

Christian Cooper admet d'ailleurs que c'est pour cette raison qu'il a enregistré toute la scène, pour "montrer" ce qui se passe. "Malheureusement, nous vivons à une époque où les hommes noirs sont vus comme des cibles, comme ce qu'il s'est passé avec Ahmaud Arbery", un jeune homme de 25 ans abattu froidement le 23 février, dans l'Etat de Géorgie, par trois hommes blancs alors qu'il faisait son jogging. L'un d'eux, policier retraité, dira qu'il "pensait qu'il était un cambrioleur".

Le promeneur new-yorkais confie également à CNN qu'il pense que les excuses d'Amy Cooper "sont sincères". Mais ajoute : "Je ne suis pas sûr que dans ces excuses, elle reconnaisse que même si elle n'est pas ou ne se considère pas comme raciste, cet acte particulier était définitivement raciste. Il est vrai que c'était une situation stressante, une situation soudaine - vous savez, peut-être un moment de manque de jugement spectaculaire. Mais elle y est allée, et a commis cet acte raciste."

"Le racisme n'est pas pire qu'avant, il est filmé"

Cette semaine, dans les rues de Minneapolis, une énième bavure policière a coûté la vie d'un homme noir aux Etats-Unis. Arrêté par quatre hommes alors qu'il est suspecté pour fraude, George Floyd est mis à terre, un genou d'un policier sur sa nuque. Pendant plusieurs minutes, il implore ce dernier de se déplacer : "S'il vous plait, je ne peux pas respirer. Je vais mourir. Ils vont me tuer", lâche-t-il, à bout de souffle.

Des passant·e·s qui filment la scène supplient les policiers à leur tour. Pourtant, les forces de l'ordre ne bougent pas. Quand ils appellent enfin une ambulance, il est trop tard : George Floyd décédera quelques minutes plus tard, par étouffement.

Cet événement tragique a déclenché de fortes émeutes à Minneapolis, ainsi qu'aux quatre coins des Etats-Unis. Dans une interview datant de 2016, Will Smith revenait sur la médiatisation de ces comportements et actes odieux : "Le racisme n'est pas pire qu'avant, il est filmé."

Une réflexion partagée aujourd'hui par la sénatrice démocrate Kamala Harris : "Voici la triste réalité : ce qui est arrivé à George Floyd, Ahmaud Arbery & Christian Cooper est enduré depuis des générations par les noirs américains", déclare-t-elle sur Twitter. "Les téléphones portables n'ont fait que rendre les choses plus visibles. Le démantèlement du racisme systémique dans notre pays commence par la demande de justice et la responsabilisation des délinquants."

Pour l'instant, les quatre policiers responsables de la mort de George Floyd ont été limogés. La famille du défunt souhaite qu'ils soient poursuivis pour meurtre.