En Malaisie, les femmes priées de ne pas "embêter leur mari" pendant le confinement

Publié le Jeudi 02 Avril 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
En Malaisie, les femmes priées de ne pas "embêter leur mari" pendant le confinement
En Malaisie, les femmes priées de ne pas "embêter leur mari" pendant le confinement
Alors que la Malaisie a, à son tour, ordonné aux habitant·e·s de rester chez eux, le ministère chargé des Femmes a divulgué quelques "conseils" aux Malaisiennes : continuer de se maquiller, ne pas embêter leur mari et leur parler avec une voix de personnage de dessin animé. Une déclaration publiée sur Facebook qui a déclenché un tollé.
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Pour endiguer l'épidémie de Covid-19, dont le nombre de décès s'élève au 1er avril à plus de 900 000 cas recensés et 46 000 décès dans le monde, la Malaisie a elle aussi décidé de confiner ses habitant·e·s, dès le 18 mars. Afin que la situation, difficile, soit vécue au mieux, le gouvernement a choisi de diffuser quelques conseils de comportement sur les réseaux sociaux. Des remarques destinées aux femmes, principalement.

Sur sa page Facebook, le ministère de la Femme, de la famille et du développement communautaire local (KPWKM) a d'abord avisé les Malaisiennes d'éviter le sarcasme histoire de ne pas "embêter leur mari", et de parler avec la voix de Doraedon, un personnage de dessin animé japonais très connu en Asie, qui prend les traits d'un chat. Selon BuzzFeed, les visuels, désormais supprimés, rapportaient que, si le conjoint ignore les demandes de sa femme de contribuer aux travaux ménagers, les épouses doivent user de leur sens de l'humour afin de "ricaner plutôt que de harceler". Ensuite, c'est à l'apparence que l'organe gouvernemental s'attaque, priant les citoyennes de continuer à porter du maquillage et des vêtements moulants, même pendant le confinement.

Un timing révoltant

Le message a suscité un vent d'indignation sur les réseaux sociaux d'autant plus fort qu'une semaine auparavant, le ministère avait évoqué la possibilité de clôturer sa ligne d'écoute aux victimes de violences domestiques. All Women's Action's Society, une association féministe malaisienne de défense des droits des femmes, s'est ainsi insurgée : "S'habiller est certes une façon de maintenir la routine tout en travaillant à la maison, l'accent mis sur l'APPARENCE, les HABITS et le MAQUILLAGE est absolument inutile. Cessez ce message sexiste et concentrez-vous sur les survivantes de la violence domestique qui sont maintenant plus à risque !"

En deux semaines, une ligne d'urgence pour les personnes vulnérables, y compris les victimes d'abus domestiques, a connu une augmentation des appels de plus de 50 %, indique le journal malaisien Free Malaysia Today. "D'une manière générale, il pourrait y avoir une augmentation du nombre de victimes pendant cette période, principalement parce qu'elles sont dans la maison avec l'auteur de l'abus", déplore Tan Heang-Lee , activiste locale pour la Women's Aid Organisation.

Des excuses insuffisantes

De son côté, le gouvernement a présenté ses excuses, expliquant que leur but était de "partager les moyens et les pratiques permettant de maintenir des relations positives au sein de la famille tout en travaillant à domicile. Notre équipe partage quotidiennement des conseils et des messages positifs sur les médias sociaux", a déclaré Datuk Saidatu Akhma Hassan, directrice du département des femmes du ministère dédié, dans un communiqué en ligne. "Nous voudrions nous excuser si plusieurs conseils étaient inappropriés ou s'ils touchaient aux sensibilités de certains groupes. Nous serons plus prudents à l'avenir".

Des mots qui n'ont pas suffi à apaiser la colère - justifiée - des Malaisiennes, qualifiés par certaines de gaslighting, une technique qui consiste à user de moyens psychologiques pour manipuler quelqu'un·e et qu'il ou elle doute de sa propre réalité.