Les Françaises auraient-elles honte d'aimer le cul ?

Publié le Mardi 22 Novembre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
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Sextoys, porno éthique, podcasts érotiques... On n'a jamais autant parlé de plaisir féminin. Mais à quoi ressemblent vraiment les fantasmes des Françaises ?
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Le boom des réseaux sociaux et la vague #MeToo ont provoqué une véritable révolution de l'intime. La sexualité et ses injonctions sont désormais réinterrogées en ligne par de nombreux comptes militants, et le plaisir féminin placé au centre des préoccupations. Les femmes sont encouragées à nommer leurs désirs, à (re)découvrir leur corps et leurs envies, et, comble du progressisme, à le faire seules.

Et pour les y aider, une ribambelle de produits et de contenus ont fleuri ces dernières années, du sextoy high-tech, au porno féministe en passant par les podcasts qui se multiplient à vitesse grand V. La sexualité a bel et bien envahi les plateformes d'écoute, que ce soit sous forme d'émissions ("Hot Line", "Sexe Oral"...) ou de contenus érotiques.

Du mal à se faire du bien

Mais les Françaises sont-elles si décomplexées que cela ? Malgré les tabous qui se fissurent les uns après les autres, un grand nombre d'entre elles seraient encore bien loin d'être à l'aise avec leur sexualité. Ainsi, une enquête réalisée en 2021 par Les Emancipées, une plateforme visant à redonner aux femmes le pouvoir sur leur cycle menstruel, établit que 61% des femmes affirmeraient être insatisfaites de leur libido. 41,4% des répondantes éprouveraient carrément un sentiment de honte à ce sujet.

De plus, 35% Françaises se disent insatisfaites sexuellement contre 23 % des Allemandes, 30 % des Italiennes et 28 % des Espagnoles, selon l'Observatoire européen de la sexualité féminine réalisé par l'Ifop en 2021.

Des chiffres qui ne surprennent pas Lisa Demma, interrogée par Terrafemina. La jeune femme de 26 ans est rédactrice en chef de Femtasy depuis deux ans et demi. Fondée en 2018 par la jeune Allemande Nina Julie Lepique, cette plateforme d'abord lancée en Allemagne gagne peu à peu du terrain en France, où elle est disponible depuis un an. Son credo ? Proposer des audios érotiques destinés exclusivement aux femmes.

Mais pas que : des sons "bruts", comme des gémissements enregistrés pendant l'acte sexuel ou encore des contenus plus "pédagogiques", expliquant aux auditrices comment se masturber et s'initier à différentes pratiques sont aussi disponibles. La plateforme recense actuellement plus de 230 audios en français : "Mauvaise élève", "Gangbang hôtel", "Fais-moi mal", ou initiation au "Vibromasseur flow"... Il y en a pour tous les goûts.

"Besoin d'être rassurées"

Pour Lisa Demma, les Françaises auraient tout simplement "besoin d'être rassurées". Elle nous explique ainsi que sur Femtasy, les utilisatrices frenchy seraient friandes de contenus "body appréciatifs, de compliments qui les font se sentir en sécurité par rapport à la perception de leur corps". Et pour cause : 79% des femmes évoquent l'image qu'elles ont de leur corps comme raison principale de leur timidité au lit, selon une enquête réalisée par le service médical en ligne ZAVA.

La rédactrice en chef de la plateforme relève également la "fibre artistique" des Françaises : "Elles ont un goût pour la mise en scène, le 'storytelling' et elles écoutent beaucoup de 'dirty talk. Elles semblent avoir besoin de plus de contextualisation et de sensualité dans le porno", précise-t-elle.

Pourtant, paradoxalement, le contenu le plus écouté sur la plateforme se nomme "Open Gang bang". Une pratique "trash" très éloignée du "vanilla sex", qui qualifie un comportement sexuel conventionnel. Lisa Demma note ainsi que trois tendances se dégagent pour le public français : les contenus impliquant une figure d'autorité, les scénarios clichés et le BDSM. Ce grand écart est permis par la diversité des choix de la plateforme et sa confidentialité.

"Beaucoup de femmes se servent de notre plateforme pour expérimenter des choses qu'elles n'ont jamais faites dans la vie réelle", décode Sarah Herbain, responsable du site en France, auprès de BFMTV.

"Quand on parle de désir, il n'y a plus personne"

Là où réside la différence entre les Françaises et les Allemandes, autres clientes de Femtasy, c'est dans leur difficulté à assumer et à verbaliser leurs envies quand on les confronte. Afin d'adapter au mieux son offre, la start-up a réalisé 15 entretiens individuels de plus d'une heure avec des Françaises pour mieux cerner leurs envies et leurs désirs. "Même pendant ces entretiens dédiés, nous avons noté une certaine pudeur chez les répondantes", rapporte Lisa Demma. "C'est vrai que l'on peut se faire une idée de la Française très sophistiquée, très séductrice, très libérée, mais quand on parle de désir, il n'y a plus personne", constate la responsable des contenus.

Avant de lancer son produit, l'entreprise avait également questionné 1000 Allemandes sur leurs désirs. "Elles sont beaucoup plus cash, verbalisent davantage et ont moins honte d'utiliser un service qui est conçu pour elles", décrit Lisa Demma. Alors, pourquoi pas nous ?