Un site de streaming iranien efface toutes les femmes des pochettes de disques

Publié le Mercredi 16 Octobre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Lana, "avant et après"...
Lana, "avant et après"...
Dans le registre du "what the fuck", cette actualité tient une place tout à fait correcte : le "Spotify" iranien supprime des pochettes de leurs disques les visages de toutes les artistes féminines. Une censure affligeante.
À lire aussi

"Si vous vous ennuyez, alors vous pouvez faire un tour sur ce site de musique en streaming iranien. Regardez cette atrocité", nous prévient un internaute effaré. Et il a raison de nous prévenir. "L'atrocité" en question s'intitule Melovaz. Et cette plateforme d'écoute iranienne se "démarque" par un curieux gimmick, relevé par le site musical Insider : toutes les femmes figurant sur les pochettes d'albums sont effacées. Purement et simplement.

Cette censure systémique donne lieu à d'absurdes visions. Lana del Rey se voit supprimée du visuel de son dernier album. Idem pour Taylor Swift et Katy Perry. Sur la pochette de A Star is Born, ne demeure que Bradley Cooper, souriant dans le vide, séparé de son iconique idylle Lady Gaga. Et que dire de celle de l'album Nakamura, où ne subsistent que la fameuse chevelure bleue de l'emblématique Aya, dépourvue de visage ? Melovaz, c'est un peu Photoshop mis au service de la violence patriarcale la plus ridicule. "C'est comme si ces femmes n'existaient pas", hallucine un twitto.

De la "censure machiste"

Avril Lavigne, "avant et après"
Avril Lavigne, "avant et après"

Mais pourquoi effacer les visages des artistes féminines comme Billie Eilish, Ariana Grande et Beyoncé, sans "éditer" ceux de leurs confrères masculins ? Le site d'informations The Daily Dot voit là une preuve palpable de la censure qui perdure au sein de la société iranienne, et, à travers elle, des restrictions imposées à tout ce qui a trait à l'expression féminine - et à la condition des femmes. Ces citoyennes aux libertés très limitées n'ont pas le droit d'apparaître découvertes en public : c'est illégal. Et la méthode employée par Melovaz, que d'aucuns surnomment "le Spotify iranien", serait tout simplement le prolongement de la loi islamique.

 

Lady Gaga "avant / après"
Lady Gaga "avant / après"

Si cet effacement vise ainsi les stars occidentales, c'est parce que, déplore Insider, "cette loi semble s'appliquer aux femmes qui ne pratiquent pas, de l'extérieur, l'islam, et ne sont pas physiquement dans le pays". La plateforme de streaming n'a pas encore répondu aux interrogations du site musical, réclamant des éléments de réponse quant à cette censure. Mais depuis l'envoi des mails, des dizaines de nouvelles pochettes ont été "retouchées". D'une façon des plus déroutantes d'ailleurs. Ainsi, en zonant dans la catégorie "France", l'on constatera que, si les visages de nos Lara Fabian, Vitaa et Zaz nationales ont été supprimés sans le moindre scrupule, celui de Christine and the Queens a miraculeusement échappé à ce flou tout sauf "artistique"... Une faille dans le système ?

Hailee Steinfeld, "avant et après"...
Hailee Steinfeld, "avant et après"...

Face au silence de Melovaz, les fans des artistes féminines visées s'indignent, un peu partout sur la Toile. Comme ceux de la jeune chanteuse barcelonaise Rosalia Vila Tobella. "Rosalia est une victime de la censure machiste en Iran : on écoute sa musique, mais sans voir son visage", fustige en ce sens un auditeur. L'internaute et militante féministe Andrea Márquez voit là l'oppression d'un "clergé conservateur" dérangé non seulement par les visages mais par les voix des chanteuses, "lesquelles susciteraient une émotion jugée immorale". Force est de constater que la musique n'adoucit pas toujours les moeurs...