Charli Howard, la top qui se bat contre les diktats du poids dans la mode

Publié le Mardi 13 Avril 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Charli Howard est une jeune mannequin engagée, body positive et féministe.
Charli Howard est une jeune mannequin engagée, body positive et féministe.
Charli Howard n'est pas une top modèle comme les autres. Plus que mannequin, elle est également activiste, et n'hésite pas à fustiger les diktats physiques improbables que déploie et banalise l'industrie fashion depuis des années. Portrait d'une femme engagée.
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Mannequin renommée, autrice, créatrice de sa propre marque de produits de beauté et de soin de la peau, activiste féministe... On prête à Charli Howard bien des étiquettes, et elles lui vont toutes comme un charme. Un sacré background pour cette jeune femme britannique de trente ans à peine. Depuis cinq années déjà, la top, entrepreneuse et influenceuse n'hésite pas à bousculer les lignes de la mode. Quitte à faire jaser.

En 2015, celle qui se dit militante "body positive", en faveur d'une vision plus inclusive et moins sexiste de la mode, fustigeait justement ladite industrie l'espace d'une publication Facebook bien virulente. Elle accusait son agence de mannequinat de l'avoir incitée à perdre toujours trop de poids pour convenir à ses exigences. Un récit qu'elle associe à sa propre expérience corporelle, et notamment, les troubles de l'alimentation dont elle a pu souffrir.

Cette histoire, la sienne, a su éveiller bien des consciences. Et également démontrer l'évolution des mannequins – et de leur rôle de plus en plus politique – au sein de notre société.

Un parcours personnel mouvementé

La vie de Charli Howard n'a pas été simple, comme le relate le magazine Glamour. Ado, elle voue une forme de détestation viscérale à son propre corps. Tant et si bien qu'elle supporte à peine de se regarder dans le miroir. Dès ses treize ans, sa cellulite l'obsède. La jeune Londonienne souffre très tôt d'un trouble de l'alimentation, qui l'incite à chercher la minceur à tout prix : pilules amaigrissantes, régimes divers, observation scrupuleuse des calories... Situation qui ne s'arrange pas lorsqu'elle rejoint une agence de mannequinat à l'âge de dix-sept ans.

Charli Howard souffre alors d'anorexie, de boulimie et d'anxiété.

Charli Howard aux Fashion Awards 2018 de Londres le 10 décembre 2018
Charli Howard aux Fashion Awards 2018 de Londres le 10 décembre 2018

Seulement voilà, son agence de mannequins la pousse à perdre toujours plus de poids pour convenir aux canons de beauté de la sphère fashion. Une situation qu'elle dénonce sur ses réseaux sociaux après six ans de souffrance, fin prête à quitter un milieu qu'elle juge toxique. "J'exprime un grand 'F * CK YOU' à mon (ancienne) agence, pour avoir dit que j'étais trop 'hors formes' ou 'trop grosse' pour travailler dans l'industrie de la mode. Je ne vais plus vous permettre de me dicter ce qui ne va pas avec mon apparence et ce que j'ai besoin de changer pour être 'belle'. Je refuse de me sentir honteuse au quotidien".

La tribune de la jeune femme fait sensation. A l'époque, comme le rappelle le Guardian, Charli Howard était tellement poussée par son agence à perdre le peu de kilos "en trop" qu'elle se contentait... d'humecter du coton imbibé de jus d'orange en guise de déjeuner. Dans son message en forme de doigt d'honneur, la mannequin épingle des injonctions physiques qu'elle juge tout simplement "ridicules et inaccessibles". Une publication virale.

S'ensuivront dès lors des thérapies, propices à soigner ses troubles de l'alimentation sévères, et un sacré ménage de printemps : tout en prenant soin de sa santé mentale, Charli Howard décide de bazarder balances et rubans à mesurer. Et aussi de devenir plus indépendante professionnellement. Ce sera le cas avec ses nombreux projets personnels, comme la création de sa propre entreprise ou la sortie en 2018 de son premier livre, autobiographique, chez l'emblématique éditeur britannique Penguin : Misfit.

Marginale, dans la langue de Molière. Une manière d'ériger sa condition de model perturbatrice en véritable fierté. La dédicace quant à elle est tout aussi éloquente : c'est un livre "dédié à toutes les filles qui ont déjà pensé que leur corps n'était pas assez bien", lit-on. En 2015, c'est un nouveau chapitre qui s'ouvre pour elle.

Une prise de conscience collective

Depuis cette démission éclatante, Charli Howard en appelle à une prise de conscience collective. Dans ses posts divers, ses interventions médiatiques, et également à travers sa marque Squish. Des produits de beauté qui mettent en avant des femmes "de toutes formes, tailles et couleurs, afin que toutes les filles puissent s'identifier", détaille-t-elle à Glamour. Une initiative qui propage quelque chose de générationnel.

Effectivement, alors que des superstars comme Rihanna n'hésitent pas à lancer leur propre marque de lingerie body positive, d'autres mannequins revendiquent quant à elles à l'unisson leurs prises de position féministes. Interrogée par le Huffington Post british, Charli Howard évoque notamment les discours critiques et body positive de Cara Delevingne et Ashley Graham, qui à l'écouter "incarnent un changement intéressant, car elles ont mis en lumière le traitement qui était réservé aux mannequins". Ce sont aussi des femmes qui, telle Ashley Graham, n'hésitent également pas à dévoiler leurs "imperfections physiques", sans filtre.

Ce changement importe aux yeux de la jeune femme, qui compte bien, elle aussi, l'incarner. Elle explique que les models d'aujourd'hui sont plus engagées que celles d'hier. Ou plus précisément, qu'elles osent davantage le dire, à l'ère des mobilisations sororales, de l'activisme digital et des paroles libérées. "Nous avons connu l'époque où les mannequins étaient glamour et silencieuses, et celle où les femmes en général l'étaient aussi. Maintenant, nous avons toutes une voix, grâce aux réseaux sociaux", analyse la top auprès du Guardian.

 

Sa voix à elle résonne de partout. Au gré des interviews, Charli Howard fustige aussi bien l'influence des conventions imposées par la mode sur les jeunes filles que les incidences néfastes des régimes, culte encore loin d'avoir déserté les magazines féminins. "Je pense que l'industrie de la mode a beaucoup de responsabilités en termes d'image corporelle et de la façon dont les filles voient leur corps. Nous devons donc écouter les femmes et les problèmes auxquels elles sont confrontées", épingle-t-elle ainsi dans les pages de la revue Glamour.

Dans sa publication Facebook déjà, elle alertait les agences de mannequinat et l'industrie de la mode en général quant à leurs responsabilités peu assumées envers le public ado : "Plus vous nous forcez à perdre du poids et plus les créateurs doivent confectionner des vêtements adaptés à nos tailles, et, de fait, plus les jeunes filles sont malades. Ce n'est plus cette image que je choisis de représenter". Une prise de position limpide.

Désormais, Charli Howard rêve d'une industrie de la mode plus égalitaire. Qui ne redouterait pas l'acné, la cellulite ou encore les vergetures. Bref, d'une société un brin moins branchée sur Photoshop. Ce ne serait pas du luxe. Des luttes multiples qu'elle évoque sur son compte Instagram. Dans l'accueillant jardin secret qu'elle dévoile à ses 330 000 followers, l'on retrouve les femmes qu'elle admire (notamment les pin ups d'antan), sa fascination pour les nus féminins, son goût prononcé des selfies, mais aussi sa propension à décocher mantra sur mantra.

Parmi ces conduites de vie inspirantes, celle-ci : "Ne perdez pas 95% de votre vie à essayer de peser 5% de moins". Une phrase qui parmi tant d'autres synthétise bien la croisade stylée de Charli Howard.