Un sketch jugé raciste et misogyne du youtubeur Norman crée l'indignation : il répond

Publié le Lundi 28 Décembre 2020
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Un sketch raciste et misogyne du youtubeur Norman crée l'indignation
Un sketch raciste et misogyne du youtubeur Norman crée l'indignation
Dans son "spectacle de la maturité", disponible sur Amazon Prime depuis le 4 décembre, Norman Thavaud aborde le prochain James Bond, où 007 sera incarné par une femme noire, Lashana Lynch. Des propos jugés racistes et misogynes qui ont provoqué un tollé.
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Norman Thavaud, alias Norman fait des vidéos, a décidé de passer une deuxième fois sur les planches après dix ans de carrière derrière l'écran, et un premier spectacle en 2015. Le 4 décembre, Amazon Prime diffusait donc son second one-man show, co-écrit et mis en scène par Kader Aoun, et intitulé Norman, le spectacle de la maturité. Dedans, il aborde sa nouvelle vie de famille, le coup de vieux d'un artiste trentenaire qui réalise que son public a la moitié de son âge, ses chats. Mais ce ne sont pas ces sketchs que de nombreux internautes ont récemment épinglé.

Non, ce qui a suscité une vive indignation sur les réseaux sociaux ces derniers jours, ce sont ses "blagues" sur le prochain James Bond, No Time to Die. Et plus précisément, sur l'actrice afro-américaine Lashana Lynch, choisie pour reprendre le flambeau de Daniel Craig et devenir la nouvelle agente 007.

"Commentaire raciste, misogyne en toute impunité"

Après avoir évoqué le privilège blanc et la culpabilité blanche, le comique lance ainsi à une salle comble : "Alors la dernière connerie qu'ils ont trouvée pour lutter contre le racisme, c'est dans le prochain James Bond qu'ils tournent, là. Le prochain personnage de James Bond, Agent 007, sera incarné par une femme renoi. Est-ce qu'on est pas en train d'aller trop loin dans la lutte contre le racisme ? 'My name is Bond. Fatoumata Bond'. Non, ça va pas du tout. Je suis pas d'accord, ok ? James Bond, c'est un personnage, on l'aime comme ça, vous l'aimez comme ça. On peut pas le changer du jour au lendemain pour un quota."

Et de poursuivre : "ou alors ok. On dit que James Bond est une femme renoi. Mais alors le jour où on tournera le biopic de Michael Jordan au cinéma, je veux qu'on mette Thierry Lhermitte, et que tout le monde valide ça normal. Que genre la salle fasse 'On est tellement ouverts'".

Des propos que n'ont pas tardé à dénoncer plusieurs internautes, dont le journaliste Vincent Manilève, auteur du livre YouTube derrière les écrans : Ses artistes, ses héros, ses escrocs, qui lâche dans une chronique titrée Où va Norman ? : "il voulait être subversif, il en devient réac." Samedi 26 décembre, la chanteuse Yseult condamnait à son tour le sketch. "Commentaire raciste, misogyne en toute impunité, normal Norman", tweete-t-elle en légende de la séquence.

"Rien ne va"

Le compte Décolonisons-nous, qui déconstruit l'héritage post-colonial de l'inconscient collectif, analyse quant à lui point par point pourquoi il estime que "rien ne va". Il s'attaque d'abord à l'utilisation du prénom "très répandu de Fatoumata" pour désigner Lashana Lynch, affirmant que si celui-ci "n'est pas dégradant, loin de là", il a surtout "été dégradé par l'utilisation qui en a été faite dans la société française". Selon la plume derrière le texte, ce sketch "participe en tant qu'objet de stigmatisation, de rejet et de moquerie perpétuant des conséquences racistes et misogynes".

Ensuite, il relève une "autre énormité", celle de, sous couvert d'humour, "dénoncer l'appropriation culturelle par une femme noire d'un personnage fictif qu'il considère exclusivement réservé à un homme blanc, en faisant l'analogie d'un biopic de Michael Jordan qui serait incarné par un acteur blanc".

"Sans parler du fait qu'il ne vérifie pas ses sources (Lashana Lynch interprétera le personnage de Nomi, et non James Bond qui lui part à la retraite, ndlr), c'est d'une part montrer qu'il ne comprend rien des rapports de domination qui se jouent dans le monde (...) et d'autre part que cela engendre chez lui la criante ignorance d'un historique pourtant abondant de white-washing observable et confortablement installé dans l'univers cinématographique occidental".

Une séquence qui fait tristement suite aux propos de l'actrice, qui confiait avoir supprimé ses réseaux sociaux à cause du cyber-harcèlement qu'elle subissait depuis l'annonce de sa participation au long-métrage. Une semaine plus tard, elle retournait sur Instagram et Twitter, estimant auprès du Harper's Bazaar : "Je dois juste me rappeler que la conversation a lieu et que je fais partie de quelque chose qui sera très, très révolutionnaire."

Norman répond à la polémique sur Instagram

Lundi 28 décembre, peu après 17 heures, Norman Thavaud s'est exprimé sur la polémique via une story postée sur Instagram. Il présente ses excuses pour s'être "moqué du prénom Fatoumata" mais se défend de tout racisme, avançant que son sketch serait en réalité une blague sur l'hypocrisie d'Hollywood.

"Dans ce spectacle, je parle du privilège blanc, de la culpabilité blanche, de mes potes rebeu qui passent leur temps à se faire contrôler, des inégalités salariales (...) bref, la liste est longue." Et conclut : "Le contenu du spectacle ne laisse planer aucun doute sur le fond de ma pensée et sur la sincérité de mon engagement antiraciste".