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Elles sont parties en vacances en solo, elles nous racontent
Publié le 8 septembre 2022 à 18:08
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Partir en solo, c'est plus qu'un projet, un challenge. Surtout quand on est une femme et qu'on doit prendre en compte une toute autre charge - plus de risques, d'angoisses. Mais cela ne vous empêche pas de prendre le large. Vous nous racontez.
Elles sont parties en vacances en solo, elles nous racontent
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"Grâce au voyage et à la solitude qu'il offre, les femmes se réapproprient non seulement le dehors, mais aussi le dedans, car il crée un aller-retour de l'un vers l'autre, et lie ces deux espaces jusqu'à les confondre et ne former plus qu'un : le territoire intime de la voyageuse", poétise Lucie Azema dans son excellent essai Les femmes aussi sont du voyage.

Dans cette cartographie féministe, l'autrice rappelle la manière dont le voyage divise les genres, profitant plus volontiers au masculin, plus présent dans la culture populaire (les livres, les films narrant des road trips), mais également moins risqué lorsqu'il se conjugue ainsi.

Effectivement, une femme qui part seule ne sera-t-elle pas pétrie d'avertissements en tout genre et plus ou moins légitimes ? Et pourtant, bien des globe-trotteuses rappellent que l'escale n'est pas une exclusivité masculine.

Cette année encore, nombre de vacancières sont parties en solo pour s'aérer l'esprit et changer de décor. Le regard qu'elles accordent à cette expérience en dit long sur les vertus du voyage et de la solitude. Une forme d'émancipation dans une société où injonctions et craintes empêchent parfois d'aller de l'avant, de s'alléger des contraintes du quotidien et de la charge mentale.

Pour Terrafemina, elles sont revenues sur ces escapades en solitaire.

Elles sont déjà parties en vacances en solo, elles nous racontent tout © Adobe Stock
Amélie, 33 ans : "Je voulais me lancer un défi"

"Cet été, je suis partie en festival solo, en France, au Festival du bout du monde sur la presqu'île de Crozon, dans le Finistère et après ce festival, j'ai poursuivi mon séjour deux semaines, en solo toujours - j'ai profité de pouvoir découvrir la Bretagne en faisant des randos. Quatre ans plus tôt, je vivais mon tout premier voyage en solitaire, à Malte, durant deux semaines.

A l'époque, je voulais me lancer un défi après un enchaînement de périodes compliquées : j'avais quitté mon mec, déménagé à Paris pour un boulot où la directrice était problématique, puis j'ai été au chômage...

Je me suis donc retrouvée toute seule dans un pays où il faut parler anglais (alors que je ne le pratique pas du tout) ! Dans mon entourage, on avait peur : une femme, seule, dans un pays étranger... Et quand tu voyages, il y a toujours des appréhensions. En tant que femme, tu as toujours la vigilance liée à une peur de l'agression. Quand tu fais une rando solo, tu te dis : "Hum, il faut vraiment que je fasse attention car personne ne me sauvera".

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Tu éprouves aussi ça lors de ta première soirée dans une ville que tu ne connais pas, le temps que tu comprennes l'atmosphère et quel doit être ton niveau de vigilance. Cet été encore, la veille du festival, je me suis demandée : 'Est-ce que c'est vraiment une bonne idée avec le délire des piqûres, etc ?'...

Et puis finalement, la première journée se passe bien et tu te dis : 'ça va aller' ! A Malte, j'ai adoré mes vacances. J'ai rencontré des personnes formidables et j'ai découvert que quand on voyage seule, on ne l'est pas vraiment. C'est avec ces personnes que j'ai vécu des moments agréables et fait le tour de l'île pour voir un coucher de soleil différent chaque soir, passé les moments les plus mémorables... et le plus souvent à l'eau !)

J'en retiens des souvenirs très forts en émotions. J'ai aussi découvert que je pouvais parler de périodes compliquées de ma vie à des inconnus. Ce sont aussi des moments de réflexion, sans jugement de telle ou telle personne. Voyager seule me permet de me centrer sur moi et mes envies. Et lorsque j'en ai envie, je sais que je peux rencontrer des personnes authentiques."

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Fleur, 31 ans : "J'ai décidé de partir seule en Colombie"

"La première fois que j'ai voulu voyager seule j'avais 21 ans. Je faisais un stage de 3 mois à New York et je me suis dit "c'est l'occasion rêvée pour partir en Amérique du Sud !". Mais finalement, ma meilleure amie m'a accompagnée.

Alors quelques années plus tard, pour mes 25 ans, je suis partie en Colombie trois semaines en solo. Je connaissais déjà la Bolivie, le Pérou, je connaissais déjà la langue. Je sentais que j'avais besoin de ce voyage, car à l'époque j'habitais Londres et j'étais assez triste, je n'allais pas très bien, je venais de vivre une rupture assez compliquée...

Donc ce voyage me permettait de me recentrer sur moi. Certains prendraient un billet de cinéma, moi, j'ai décidé de partir seule en Colombie ! (rires) Mais pas seulement. Je voulais un projet où je puisse me surpasser, avoir quelque chose qui soit à moi. C'était un challenge, mais j'avais peut être aussi une vision romancée du voyage en solo - on a tous grandi avec certains films.

Et puis j'avais déjà vu des filles voyager sans personne. Je m'imaginais, comme elles, être plus libre, vivre au jour le jour...

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Très vite, je me suis dit : 'Si je fais attention, je m'en sortirais'. Je me renseignais par rapport aux endroits où une femme seule pouvait se rendre sans être en danger. Quand tu te lances là-dedans tu fais gaffe à des trucs auxquels les mecs ne doivent pas faire gaffe : ce n'est pas un voyage de mec. Il y a aussi, malheureusement, un gros facteur chance qui rentre en jeu.

Je me souviens aussi que la veille, je me suis dit : 'Mais pourquoi tu t'infliges ça ?! Pourquoi tu as besoin de venir vivre dans d'autres pays toute seule au lieu de simplement passer des vacances avec tes copines ?'

Un autre jour, j'ai voulu faire Bogota-Carthagène en bus de nuit. Cela représente 22 heures de route. Seulement, à 19/20h, on a fait une pause sur une aire d'autoroute. Et à ce moment-là j'ai vraiment pris conscience que j'étais seule, à attendre que les gens finissent de manger, que le chauffeur reparte. Là, tu le ressens : tu es so-lo. Je me suis dit : si un jour j'ai des enfants et qu'ils décident de faire ça, l'horreur ! Si mes parents imaginaient ça... (rires).

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Et au final, j'en retiens des souvenirs de dingue. Les premiers jours à Bogota, je me suis dit que ca allait être compliqué... Je n'avais réservé que deux nuits dans une auberge de jeunesse et au final j'ai fait mon voyage petit à petit en fonction des gens que j'ai rencontré. Au début tu es seule. Mais très vite tu n'es plus seule. J'ai même fini par voyager avec un couple britannique dans les deux semaines qui suivirent.

En gros, ça me fait bien de voyager en solo. Car je me dis simplement que je suis capable de le faire. Quand je suis moins dans mon assiette j'y repense et ca me réconforte. D'ailleurs cet été, j'ai retenté l'expérience. Je suis partie à Saint-Malo un long week-end toute seule. Ca n'avait rien à voir avec Bogota ! Mais c'était bien.

J'aime me retrouver seule. C'est drôle car parfois partir en solo dans son propre pays dérange davantage les gens. On peut avoir l'impression d'être seule, pas si loin de chez soi, de son quotidien, de sa culture. Comme si le regard des autres était plus lourd, les jugements plus forts. Mais moi je ne ressens pas ça."

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Solenn, 29 ans : "Apprendre à vivre avec soi-même"

"Il y a peu, je suis partie trois semaines au Népal. Mais je voyage en solo depuis plusieurs années déjà car j'aime beaucoup ça. J'ai commencé par faire pas mal de longs week-ends en Europe de l'Est. Je logeais chez l'habitant, en couch surfing, ça je trouvais ca plus intéressant d'être en contact avec les locaux, ou bien je logeais dans des auberges, pour rencontrer d'autres voyageurs.

Ca, c'est super important pour moi : le fait de voyager seule ne veut pas dire que l'on reste seule. C'est même complètement l'inverse. Quand on voyage seule, on est jamais vraiment seule, sauf quand on décide de l'être. Quand on voyage à deux ou en groupe, on a moins de contact avec les locaux, moins de possibilités, on s'ouvre davantage au monde lorsqu'on voyage solo.

D'ailleurs les gens que j'ai pu rencontrer en voyageant solo, certains sont devenus des amis. Je me suis fait un pote italien en Pologne, des potes allemands au Japon et au Népal... On reste encore en lien sur Messenger et Whatsapp. Etre seule m'a permis de me faire toutes ces connexions. Quand on est à deux on creuse forcément moins une rencontre.

Et puis le voyage en solitaire, c'était aussi une expérience que j'avais envie de faire car cela permet de se découvrir soi-même, découvrir comment l'on gère la solitude et les problèmes que l'on peut rencontrer. Ca met un coup de pied aux fesses et ça te plonge dans un grand bain.

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C'est à la fois naturel et pratique comme choix. Etant freelance j'ai toujours du temps pour voyager en solo, et l'occasion, ce que n'ont pas forcément mon mec et mes amis. Je ne voulais pas avoir à attendre d'autres personnes pour partir et aussi, aller à mon rythme, convenir de mon propre planning.

Mais tout cela vaut pour la vie en général. Dans la vie, on ne doit pas attendre l'autre pour faire les choses, que ce soit aller au cinéma, au resto, ou donc, partir à l'étranger. C'est important d'apprendre à vivre avec soi-même.

Bien sûr, il y a des pays que je ne me sens pas encore prête à affronter en solo. L'Inde par exemple. Par rapport à la condition des femmes là-bas. Et durant les road trips il y a parfois des moments moins fun.

Au Kirghizistan, un chauffeur m'a demandé plusieurs fois : 'Alors, est-ce que je voyage vraiment seule ? Mais où est mon mari ?' Aussi, je sais que certaines femmes se déplacent avec des bombes de poivre et autres, mais ce n'est pas mon cas. Je n'en ai pas encore vraiment ressenti le besoin.

Et bien sûr dans les côtés moins reluisants, tu éprouves également parfois plus de solitude. Un jour, au Japon, j'étais seule dans une immense auberge de jeunesse, sur une île complètement paumée. C'était morose et glauque... Je suis restée une seule nuit tellement ça ne m'a pas plu, je me sentais trop isolée. Je m'en amuse beaucoup en y repensant par contre.

Les locaux ont toujours été très ouverts dans les pays où je suis allée. Voyager solo permet de créer du lien. Créer du lien, ce n'est pas forcément rester dans un café cinq heures, c'est parfois simplement une rencontre brève.

C'est aussi découvrir la bonté et l'empathie des gens qui t'aident, te parlent, t'offrent un peu de leurs vies."

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