J'ai testé des sortilèges pour révéler mon "féminin puissant"

Publié le Vendredi 27 Novembre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
J'ai testé pour vous : des sortilèges pour révéler mon "féminin puissant"
J'ai testé pour vous : des sortilèges pour révéler mon "féminin puissant"
"50 sorts pour attirer et cultiver l'amour, la chance, l'abondance et la réussite". La quatrième de couverture du livre de Tifenn-Tiana Fournereau, assure combler nos rêves les plus fous. Il ne m'en a pas fallu plus pour me convaincre de tenter le coup.
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Sortilèges pour révéler votre féminin puissant, c'est le titre intrigant du livre de la médium et cartomancienne Tifenn-Tiana Fournereau. Si le mot "sortilèges" me parle (j'ai regardé Sabrina, l'apprentie sorcière comme tout le monde), les deux derniers mots restent encore assez flous. "Féminin puissant". Pourtant, ces derniers temps, l'expression a regagné en popularité, allant jusqu'à rassembler adeptes de cristaux, de sororité et de Hocus Pocus - d'accord, j'exagère - dans un mouvement étiqueté empouvoirant.

Seulement, je continue à patauger. Ça veut dire quoi, exactement, "révéler son féminin puissant" ?

Dans son introduction, l'autrice m'éclaire : le terme désigne notre force originelle. Notre essence singulière longtemps étouffée par la société. Cet ouvrage, elle l'a d'ailleurs écrit afin de nous dévoiler ses secrets pour "prendre le pouvoir et devenir la femme que vous méritez d'être". C'est prometteur, et ça donne clairement envie. "Avoir conscience de son pouvoir et se reconnecter à sa féminité, c'est enfin se suffire à soi-même." Preach.

Pour ce faire, elle estime qu'il est important de "renouer avec son intuition mise en veille par le matérialisme de la société actuelle". Revenir à l'essentiel, se recentrer, être à l'écoute de son corps et de son esprit sans se laisser parasiter - ou en tout cas, moins - par le monde moderne. Je regarde mon téléphone greffé à ma main droite dont le pouce scrolle frénétiquement sur Instagram : j'ai du boulot.

Mais plutôt qu'une cure de détox digitale au fin fond de la forêt, l'experte propose de s'essayer à quelques concoctions magiques inspirées pour certaines par les croyances wicca, une religion spirituelle contemporaine qui s'appuie sur les rites païens de l'Europe antique. Des potions, des préparations, des incantations largement détaillées et finement documentées qui devraient aider à se détacher du superflu pour se focaliser, avec bienveillance et humilité, sur soi.

Au hasard, ou pas vraiment, j'en repère deux : "Remontez-vous le moral" et "Faites pousser vos cheveux plus vite". C'est parti.

Expérience du troisième type

"Sortilèges pour révéler votre féminin puissant", de Tifenn-Tiana Fournereau
"Sortilèges pour révéler votre féminin puissant", de Tifenn-Tiana Fournereau

Dans ses "préceptes d'un sort réussi", Tifenn-Tiana Fournereau prévient notamment : "Assurez-vous de n'avoir aucune distraction et cela tout au long de votre rituel (enfant, mari, femme, colocataire ou autre personne susceptible de vous importuner)". Ça démarre mal, je n'ai pas réussi à me dépatouiller de ma ravissante progéniture, qui grignote un bout de pain à mes pieds dans la cuisine, fascinée par le hublot de la machine à laver pourtant vide. Tant pis, il n'est jamais trop tôt pour apprendre à invoquer sa puissance intérieure, et je suis sûre que l'odeur de la sauge lui fera le plus grand bien. Je poursuis.

J'ai tamisé les lumières, choisi une musique d'ambiance qui ne me fasse pas penser à la hotline de la SNCF et je commence à "m'ancrer". Premier test : "Remontez-vous le moral". Cette fois, il ne s'agira pas d'engloutir mon poids en Kinder Pingui devant Dash & Lily, mais de me munir d'une bougie blanche, d'un encens de mon choix, d'allumettes, d'une pièce trouée, d'un athamé (une petite dague wicca qu'on remplace par un galet en intérieur), d'huile de sauge, d'un pochon en velours, d'une racine d'angélique et d'un brin de romarin. La liste est longue comme mon bras, mais son contenu tient quasi dans une main.

Après avoir fait le vide dans ma tête (et ignoré les piaillements côté plancher), je me lance, en suivant les instructions. J'allume la bougie et l'encens, je prends la pièce trouée, je "grave" mon initiale sur la pièce avec l'athamé-galet, et je répète trois fois : "Que cette pièce porteuse de chance, m'apporte une joie immense, qu'elle absorbe ce qui me ronge, le bonheur n'est plus un songe".

Il faut me voir, et peut-être connaître le cynisme qui m'anime, pour apprécier la scène. Je suis "seule" entre le micro-ondes et le sac de tri plein à craquer, en train de réciter des phrases censées remonter mon moral plus bas que les bouts de quignon machouillés que ma fille laisse tomber au sol. Je n'ai réussi à trouver comme "tenue de cérémonie" (le choix des vêtements aident à la bonne réalisation du sort, assure l'autrice) qu'un vieux jogging et un t-shirt trop grand oublié par mon frère, et j'ai vaguement relevé de grosses mèches en chignon "flou" (comprendre "moche") à l'aide d'un stylo qui traînait pour éviter le drame avec la flamme.

Pas vraiment le tableau qu'on se fait des sorcières contemporaines, que j'imagine plutôt avec un espace à rituels dédié et bien décoré, dotées d'une concentration imperturbable et de longs cheveux à la taille (mon obsession, on y reviendra). Mais je persévère. Justement en me disant que je suis la cobaye parfaite pour l'expérience : je suis si ronchon que seul un miracle païen peut me redonner le sourire.

Je dois ensuite faire tomber une goutte d'huile de sauge sur la pièce, la placer dans le pochon avec la racine et le brin, et imprégner le paquet de la fumée d'encens. Puis, me visualiser heureuse et en pleine possession de ma vie. Je ris nerveusement en voyant mon reflet déformé dans le grille pain. Je fais passer par trois fois le pochon au-dessus de la flamme de la bougie sans me brûler - ce qui relève déjà du miracle - et j'achève le tout en lâchant : "Qu'il en soit ainsi !"

Je n'ai plus qu'à le garder "au plus près de moi" pendant une semaine pour ressentir ses bienfaits. Je ramasse mon enfant, et je vais dîner.

Reprendre le contrôle

Sorcières des temps modernes.
Sorcières des temps modernes.

Quelques jours plus tard, alors que le premier sortilège n'a pas encore touché à sa fin, je décide de m'attaquer à un autre domaine du livre : celui qui aborde la santé. Les cheveux, plus précisément. La grossesse les a abîmés sévèrement, les cures de levure de bière ne fonctionnent pas, il est donc temps de s'en remettre aux pouvoirs spirituels. En plus, Tifenn-Tiana Fournereau l'écrit : "Les cheveux ont une importance capitale, car ils sont source de force, de puissance et d'intuition. Au-delà d'un simple sort de beauté, ce rituel vous permet donc de cultiver votre bien-être et de prendre soin de votre âme". Exactement ce dont j'ai besoin.

La préparation ressemble à celle d'un masque maison, et c'est à peu près ça, l'intention magique en bonus. Dans la salle de bain, j'allume une bougie orange, je verse deux cuillères à soupe d'huile d'argan et la même quantité d'huile de ricin dans un bol, puis je mélange avec une cuillère en bois. Je visualise ma crinière de rêve, et je récite trois fois : "Mes cheveux sont beaux et forts, ils poussent encore et encore, chacun de ces centimètres, est un pas vers le bien-être". Je les enduis de la mixture du cuir chevelu aux pointes, je masse en pleine conscience et je laisse poser pendant vingt minutes - le temps de méditer en faisant brûler un bâton de sauge.

Cette fois-ci, j'ai réussi à passer ce moment solo, et une chose est sûre : j'apprécie ma compagnie exclusive. Ces instants à prendre soin de moi, la tête ultra-hydratée par un liquide épais et chaleureux. Je ne sais pas vraiment si ce sont les effets de la magie blanche, ou simplement le fait que ce soir-là, mon esprit ne soit pas éparpillé, mais mon moral semble de nouveau au beau fixe. Et forcément, je me sens un peu plus forte, plus d'attaque, plus en contrôle. Je n'ai plus l'impression que tout m'échappe, et ça fait du bien.

Je lave et rince mes cheveux, lance l'indispensable "Qu'il en soit ainsi !", et je file au lit, apaisée. Je ne sais pas encore si ces formules fonctionneront. Mais finalement, peu importe ? Que l'on soit partisane ou non des courants autour de la sorcellerie, ces croyances peuvent aussi représenter un refuge personnel dans un quotidien épuisant. Des pratiques que l'on garde pour soi, ou que l'on partage avec des amies qui nous comprennent et nous entourent. Toujours avec indulgence, sororité et bienveillance. Puissant.

Sortilèges pour révéler votre féminin puissant, de Tifenn-Tiana Fournereau, éditions Leduc Pratique. 224 p. 17 euros